Les portraits de CAP EMPLOI 14 - fevrier 2021

Il est temps de vous partager le 2nd portrait de l'année 2021 !
Et c'est Francisco Morgado qui témoigne aujourd'hui et nous fait partager son parcours de vie.

Un grand merci d'avoir accepté de répondre à ces quelques questions.

Portrait de Francisco Morgado

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours de vie, votre parcours professionnel et votre handicap ?

Je suis marié, j'ai 5 (grands) enfants, et je serai bientôt papy pour la première fois. Ma famille est ma plus grande fierté. Je suis arrivé en France en 1969, à l'âge de 4 ans ½. J'ai poursuivi mes études jusqu'en Terminale et j’ai passé un bac F3 (électrotechnique), mais j'ai abandonné la filière qui ne me convenait pas, et j’ai travaillé dans l'industrie pendant 3 ans. J'ai ensuite commencé dans le transport comme coursier, puis dans le tourisme chez un excursionniste, au service commercial. Au moment de la 1ere guerre du Golfe, j'ai été licencié et j'ai passé mon permis C. J'ai fait de la messagerie, du déménagement. J'ai quitté la région parisienne en 1997 pour m'installer en Normandie où j'ai pu passer l'équivalent de l'époque du titre pro de conducteur, et intégrer une entreprise de la région, Landeau-Sainte-Croix. Quand l'entreprise a fermé, j'ai été licencié et je me suis installé au Portugal où nous avons ouvert un restaurant avec ma nouvelle compagne. Nous étions associés à un couple d'amis, et à la suite de divergences profondes sur la conduite de l'entreprise, nous avons vendu nos parts et sommes revenus dans la région. J'ai de nouveau travaillé dans plusieurs entreprises de la région ainsi qu'en intérim.

Après avoir exercé, au long de ma carrière, le transport international, la messagerie, le relais, le frigo, la benne, mon dernier poste a été celui de conducteur de citernes de produits pétroliers. J'ai eu un pépin physique (arrachement de la coiffe du rotateur gauche, tendon fissuré à droite), qui a conduit à une opération de réparation à gauche, et à ma demande de reconnaissance travailleur handicapé. J'ai également obtenu (avec difficulté) la reconnaissance maladie professionnelle.

Après avoir été reconnu travailleur handicapé, quelle a été votre stratégie ? Avez-vous tout de suite fait appel à CAP EMPLOI, ou avez-vous d’abord commencé des démarches et recherches seul ?

En fait, cela ne s'est pas passé dans cet ordre là. Après mon opération, mon chirurgien m'a prévenu qu'il y avait de gros risques à reprendre mon activité, et qu'une deuxième opération serait difficilement envisageable. J'ai donc commencé à réfléchir à la suite, et l'enseignement est tout de suite apparu comme une évidence pour moi, puisque c'était une idée présente depuis très longtemps en moi, bien que jamais mise en pratique. Pendant ma rééducation, j'ai demandé une visite de pré-reprise avec le médecin du travail. Je voulais savoir ce qui m’attendait et m'organiser en conséquence. Le médecin m'a confirmé que la possibilité d'inaptitude au poste était fortement envisageable, et c'est lui qui m'a dirigé vers CAP EMPLOI et Mme Demulier, qui m'a aidé dans mes démarches pour l'obtention de la reconnaissance travailleur handicapé.

En fait, mon idée a toujours été de ne pas subir ma reconversion, mais de l'anticiper et d'en tirer parti. J'ai eu la chance d'être accompagné par Mme Sophie Demulier, qui m'a aidé à structurer mon projet et à coordonner celui-ci avec tous les autres intervenants : Docteur Bourges, le médecin du travail, Mme Mélanie Cartier, de l'IRFA, Mme Mélanie Blancan, de l'ARSAT, Mme Julie Gauthier, de transition Pro, ainsi que l'AGEPHIP ou l'OPCA pour les financements. Je n'aurais pas réussi sans son aide.

Vous êtes actuellement dans un parcours de transition professionnelle. Qu’avez-vous pu mettre en place en termes de formation ? Êtes-vous fier de ce que vous avez pu accomplir jusqu’ici ?

Comme je l'ai dit, devenir formateur de conducteurs du groupe lourd, était une idée qui me trottait dans la tête, même si c'est mon pépin physique qui a été le déclencheur. De par mon expérience professionnelle, j'aurais pu être recruté par un centre de formation. Cela aurait eu le mérite de pouvoir se faire rapidement. Par contre, j'aurais été cantonné à de la formation continue, je n'aurais pas été diplômé et n'aurais pas acquis les bases et méthodes d'enseignement. Outre le fait que, ne pouvant me prévaloir d'un diplôme, le delta de salaire aurait été encore plus important. J'ai donc très rapidement opté pour un parcours diplômant : j'ai commencé par une PSOP et un PRESIJ. Cela m'a permis de faire un bilan de compétences, des stages en entreprises et une analyse de mes goûts et envies pour une recherche de métiers en adéquation avec mes compétences et mes capacités. J'ai eu la chance que ça matche avec mes envies, mais d'autres pistes sont ressorties, que je n'avais pas envisagées, et qui auraient pu être intéressantes. J'ai du ensuite obtenir le permis D (transport en commun de passagers) financé par mon compte CPF, j'ai enchaîné avec le TPECSR (titre professionnel d'enseignant de la conduite et de la sécurité routière), diplôme équivalent à un BAC+2, financé par TRANSITION-PRO, et terminé par le CCS (certificat complémentaire de spécialisation) groupe lourd, qui me permet de donner tous les types de cours de conduite, et financé par l'AGEFIPH. Avec le recul, je peux dire que je suis fier de mon parcours qui ne fut pas simple, au vu du nombre d'intervenants nécessaires et de la pression qui reposait sur mes épaules, puisque chaque étape (permis D, TPECSR et CCS) était indispensable aux suivantes, et que l'échec de l'une d'elles entraînait l'arrêt, au moins momentané du parcours. Même en sachant que l'on fait ce qu'on a à faire, un examen reste un examen, et un échec ou un impondérable restaient possibles. De plus, il a fallu réorganiser le parcours pour pouvoir passer le permis D, pour cause de timing de financement, changer de centre de formation pour le titre pro, pour cause de changement de dates, et enfin, changer de centre de formation pour le CCS pour cause d'annulation de la formation à Caen, merci Mme COVID ! Il m'a fallu aller à Dreux. Et à chaque fois, refaire des dossiers, relancer des intervenants, trouver une nouvelle organisation. Donc, oui, je suis fier d'être allé au bout.

Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes reconnues travailleurs handicapés qui ne peuvent plus exercer leur métier et qui se voient contraintes de changer de secteur d’activité ou d’entreprise ?

Pour moi, les maîtres mots sont : NE PAS SUBIR ET NE PAS SE DECOURAGER ! Ce n'est bien évidemment pas toujours possible, mais l'idéal est d'anticiper dès que c'est possible. J'aurais pu attendre la fin de mon arrêt de travail, arriver à la visite de reprise et me retrouver déclaré inapte au poste sans y être préparé, ce qui aurait été pire que tout.

En anticipant, on peut prendre le temps d'envisager les différentes possibilités qui s'offrent à nous, prendre le temps de faire un bilan de compétences, des stages en immersion pour valider ses choix, et surtout, gagner du temps sur la suite, dans mon cas, j'ai gagné 1 an et demi. Il ne faut pas perdre de vue que certaines formations longues ne sont organisées qu'a raison de 1 session par an, avant l'admission, il faut parfois 4 à 5 mois pour monter le dossier de financement et passer en commission... Je vous laisse faire les comptes. Parfois 1 mois de retard au départ peut conduire à un report de 15 mois... Je dirais aussi qu'un changement, même imposé, peut être une chance. Parfois la vie nous contraint, voir cette contrainte comme une chance d'évolution aide à accepter l'inévitable, et offre plus de chances de réussite. Je crois que tous, peu ou prou, avons dans un coin de l'esprit un doute sur un choix de parcours à un moment de notre vie, un pépin peut aussi être l'occasion d'essayer autre chose.

La motivation est essentielle. Mon parcours n'a pas été simple à organiser, et très franchement, parfois, quand un nouvel obstacle se dressait, j'ai pu avoir envie de lâcher l'affaire, comme on dit. La motivation fait qu'on cherche des alternatives, des solutions inexplorées, et on y arrive. Et toutes les personnes qui nous accompagnent sur ce parcours ont d'autant plus envie de s'investir quand elles sentent notre propre investissement.

Ma dernière remarque concerne l’âge. En 2019, alors que j'entamais mon parcours de reclassement, et que j'avais près de 55 ans, j'ai eu un entretien avec une assistante sociale, qui m'a demandé si je n'avais pas envisagé la retraite, je lui ai dit que c'était elle qui me mettait un coup de vieux... aujourd'hui, je vais sur mes 57 ans, et je me sens prêt pour une nouvelle carrière. Il n'y a pas d'âge pour se former, et l'expérience intéresse encore certaines entreprises. Après, je comprends aussi les gens qui ont beaucoup donné et souhaitent arrêter, ou n'ont pas l'envie ou la motivation de repartir dans un cycle pour le peu de temps qu'il leur reste à travailler, ce n'est pas mon point de vue, mais je respecte le leur.

Quels sont vos projets ? Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite de votre carrière professionnelle ?

Je dois intégrer un important centre de formation dans les prochains jours, avec des perspectives d'évolution intéressantes. J'ai également créé une activité de conseil en sécurité routière et de formation à la conduite. Je me souhaite donc bon vent et j'espère que vous partagerez mon souhait.

article crée le 02/03/2021
dernière modification le 15/07/2021


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